Joëlle - L'Escale - Boulogne sur mer
Notre amie Joëlle avait mis de côté cet article qui est paru
dans le journal local
La Semaine dans le
Boulonnais
-Boulogne-sur-Mer-
Faire une halte à l'Escale, petit troquet de la rue de l'Ancienne comédie, c'est d'abord et avant tout aller chez la patronne. Fidèle au poste depuis 30 ans, son amour pour le métier réside dans ses relations privilégiées
En ouvrant la porte, un rapide coup d'oeil circulaire suffit
pour cerner l'endroit. L'Escale, rue de l'Ancienne comédie, cinq mètres sur
six, trois tables, un comptoir. De prime abord, le café de quartier par
excellence. Sur les étagères traînent des personnages à l'effigie d'une célèbre
marque de whisky. Des petits, des grands, qui semblent vouloir se faire la
belle, tellement ils sont là depuis longtemps. Et puis des photos. D'équipes de
rugby. « Salut mon grand, comment tu vas ? » Vous êtes d'emblée interpellé par
une voix rocailleuse, émanant de derrière le comptoir. Si vous ne le saviez pas
encore, vous venez d'entrer chez "Jo". Jo, c'est Joëlle Wallet. La
patronne. Oubliez l'Escale, oubliez Joëlle..Ici, depuis toujours, tout le monde
« va boire un coup chez Jo. » Et, si vous êtes un habitué des lieux, la bise
est de rigueur. Autant vous dire qu'elle la fait à tous ses clients. « Je
dirais que 98 % de ma clientèle est une clientèle d'habitués », précise-t-elle.
Siège du club de rugby
Trente ans à tenir le même troquet, ça fidélise, forcément. «
J'ai acheté en novembre 1977 et ouvert en janvier. J'avais 26 ans. ». Depuis
lors, l'Escale n'a jamais fermé. Sept jours sur sept. Toute l'année. C'est à peine
exagéré. « Je n'ai pas pris de vacances depuis quatre ans », reconnaît la
tenancière. Cela ne semble pas la perturber outre mesure. « Avec mes clients,
j'ai toujours l'impression d'être en vacances. Ils sont tellement gentils. » Des
clients qui, pour beaucoup, sont devenus des amis. Certains la connaissent
depuis toujours. « Petite, je faisais le marché avec mes parents. Les mercredis
et samedis, j'ai encore des clients qui passent, que je connais de cette époque-là.
» N'en déduisez pour autant pas que, chez Jo, se côtoient uniquement les aînés
autour d'un ballon de rouge ou de rosé. Toutes les générations se confondent. Notamment
parce que l'Escale est aussi le siège du RCB, le Rugby club boulonnais. Ça a
commencé en 1986. Un client était rugbyman. Il descendait boire un verre après
les entraînements. Voilà pour la petite histoire.
Depuis, l'Escale accueille les fameuses troisièmes mi-temps.
Toujours conviviales et dans un esprit bon enfant. Du reste, Jo n'a pas
souvenirs d'une soirée qui aurait mal tourné. « C'est arrivé une seule fois. En
1982. Et encore, c'est à cause d'une bagarre qui a éclaté dans la rue. Quelqu'un
s'en est pris aux vitres du café. »
La cuisine en prime
C'est peu dire qu'elle connaît du monde. Des anecdotes, elle
pourrait, une nuit durant, vous en conter. Comme cette fois où, pour fêter le départ
d'Hervé, un rugbyman qui partait vivre à Annecy, elle a fait griller un cochon
de lait dans son arrière-cour, sur un barbecue improvisé à l'aide de parpaings.
« Il faisait quand même 25 kilos. Une fois cuit, on l'a mis sur un tonneau, au
beau milieu du café. Les gens venaient se servir. Tout le monde s'est bien régalé
! »
Il faut dire que Jo sait recevoir. Et pas seulement
lorsqu'il s'agit de mettre sa tournée. Son plaisir, à Jo, c'est préparer de
bons petits plats. La cuisine d'ailleurs, est attenante au comptoir. À moins
d'un mètre. Quand vous entrez, c'est souvent là que vous la trouvez. « Quand je
m'ennuie, je cuisine », avoue la patronne. Pas pour elle. Pour les autres. « Depuis
des années, je fais ça au moins une fois par semaine. » Pour les amis. Le
vendredi par exemple, après l'entraînement du rugby. Et n'hésitez pas à manger
comme quatre. Jo en a fait pour huit. Elle a un coeur gros comme ça, Jo.
Mais
la femme a aussi son caractère. Un caractère bien trempé. En général, elle n'y
va pas par quatre chemins pour dire ce qu'elle pense. Les contraintes qui pèsent
sur la profession, les interdictions toujours plus drastiques sur l'alcool, sur
l'interdiction de fumer dans les lieux publics, la font bondir. « Nos hommes de
loi imposent beaucoup trop de restrictions aux cafetiers. Un jour, ici, on
n'aura plus le droit de fumer. Ici, ce n'est pas un service public, mais nous
n'en sommes pas moins au service du public. Ce qu'il faudrait, c'est nous
laisser le choix : des établissements fumeurs, d'autres non fumeurs. Et les
gens choisiraient. » N'empêche, « à part ça, c'est l'un des plus beaux métiers ».
Un métier, une vie, qu'elle n'envisage pas d'arrêter de sitôt. « Il faudrait
vraiment que je sois fatiguée ou malade, je ne vois rien d'autre. » Mais pour
l'heure, «je respire la santé mon fiu », assure-t-elle. En allumant une
gauloise brune. Stéphane DANGER